Ecrit il y a 40 ans par un collectif, ce livre est un essai qui dresse le portrait d’une société basée sur la partage équitable des richesses terrestres. Je dirais que c’est, paradoxalement, une utopie réalisable.
Extrait de la quatrième de couverture
« Travailler seulement deux heures par jour pour satisfaire les besoins indispensables de la vie collective et disposer du reste du temps en travail loisirs, en créativité, etc. Un rêve? Peut-être. En tout cas, une utopie féconde qui permet à chacun de prendre du recul, de s’interroger sur le sens profond de son travail. »
La première partie: « Le travail, vous aimez? »
Il s’agit de cinq témoignages de personnes travaillant ou ayant travaillé, la plupart retranscrits d’un enregistrement vocal. Ainsi, le style oral garantit une grande liberté d’expression et un langage très spontané, libre, sans contraintes. Les retranscriptions écrites conservent la manière de parler de chaque personne qui raconte son expérience en tant qu’actif: le texte semble naturel, authentique, gage de sa véracité.
Ces discours partent d’une simple question: « Le travail, vous aimez? »
Il serait trop facile de répondre que non, même si ces personnes occupent ou ont occupé des emplois particulièrement éreintants et abrutissants, selon leurs propres mots. Si l’ont devait faire une synthèse des réponses livrées par les témoignages, je dirais que oui, en théorie, on peut aimer n’importe quel travail. Seulement, ce sont les conditions dans lesquels on travaille , les relations que l’on a avec nos « supérieurs », et surtout le nombre d’heures de travail obligatoire, qui leur font dire que non, le travail ce n’est pas bien… Bien au sens d’épanouissant, d’utile pour tout le monde, de grandissant, etc.
Au contraire, il semble que le travail devient, au fur et à mesure que la société « évolue », quelque chose de moins en moins humain. C’est simple, la plupart des emplois sont, aujourd’hui comme il y a quarante ans, déshumanisants, abrutissants et sans intérêt, notamment à cause de la division des tâches: le mérite de mener à terme un projet se perd, puisque chacun est chargé à l’infini d’une micro-action liée à ce projet, perdant de vue le but final à atteindre. Où trouver de la motivation à la tâche, à part la satisfaction de pouvoir subvenir à un besoin vital: se nourrir?
La deuxième partie: « Libérez les horaires! »
Cette partie est beaucoup plus technique. Rédigée par un chercheur, elle est le fruit d’un énorme travail de recherche, appuyé par un ensemble exhaustif d’études, de dossiers, documents, articles, calculs, démonstrations, etc. Dit comme ça, la lecture peut paraître rebutante, mais toutes les infos sont très bien synthétisées pour être accessibles à tous. Ainsi, la lecture est fluide, addictive, choquante parfois. Choquante car ce livre ACCUSE ouvertement et SANS SCRUPULES la SOCIÉTÉ CAPITALISTE. Est-ce vraiment original, au fond? Oui, car ce livre a 4O ans, et c’est bluffant de voir qu’il est toujours d’actualité.
Alors, quel est le véritable problème soulevé dans ce livre?
Le trop grand nombre d’heures passé au travail, empêchant les gens d’exprimer librement leur véritable potentiel, au nom d’une société fondée sur un maximum de profit généré pour les 5% les plus riches de la population.
Le capitalisme, qui ne doit sa survie qu’en nous poussant à accroître notre sensation de besoin, qui nous fait désirer posséder sans cesse davantage, qui nous fait croire que ce que nous voulons est indispensable.
Le capitalisme, machine à fabriquer des choses conçues pour être jetées.
Le capitalisme qui, pour exister, n’hésite pas à maintenir et même à accentuer les écarts de richesse entre les très riches d’un côté, et les autres, les pauvres de l’autre.
Le capitalisme qui, s’il veut survivre , ne peut pas partager les ressources, les revenus.
Le capitalisme, qui se fout littéralement de nous, et se sert du peu de temps libre dont nous disposons, pour nous faire acheter, encore et toujours: cinéma, programmes TV, abonnement en salles de sport, voyages organisés, etc.
Nous travaillons donc pour un misérable salaire, que nous dépensons (quand nous pouvons le faire), dans des loisirs PAYANTS (comme s’il n’y avait que ça…).
Travaillons pour dépenser inutilement!
Et pour arriver à ses fins, M. Le Capitalisme remercie généreusement sa fidèle amie, Mlle Publicité !
Evidemment, ce livre ne se « contente » pas de faire le procès de notre société, mais propose surtout des solutions pertinentes, soutenues par de savants calculs. Eh oui, les calculs ça fait sérieux, ça fait réfléchi, ça fait réaliste. Et surtout, ça fait preuve d’autorité.
Ne te demandes-tu pas pourquoi les hommes politiques utilisent-ils tant de chiffres pour appuyer leurs idées ? Le savoir qu’il y a derrière ça, au fond, on s’en fout. Par contre, les chiffres, ça intimide. Surtout quand c’est très compliqué et qu’il y en a beaucoup, parce qu’on y comprend rien.
Je te rassure, le livre dont je parle est facile à comprendre. Un peu de concentration, de calme, et ça passe. Les chiffres sont « juste » là pour montrer que la théorie exposée n’est pas une simple fantasmagorie UTOPIQUE de quelques illuminés qui rêvent de vivre dans un monde de Bisounours.
Bref, Travailler deux heures par jour montre que ce titre est effectivement réalisable, et ceci, simultanément en:
- Diminuant la production;
- Accroissant la productivité;
- Augmentant le nombre de personnes actives;
- Diminuant le chômage;
- Augmentant les salaires (ce qui implique un partage équitable des richesses);
- Arrêtant de surexploiter les pays pauvres (qui, du coup, ne le seront plus);
De même, une consommation plus raisonnée de ce que nous et la nature produisons permettrait de:
- Partager les ressources naturelles entre TOUS les humains;
- Arrêter d’exploiter, de polluer, de saccager, de détruire, de tuer la planète;
- Améliorer notre santé et notre qualité de vie.
Dans la configuration actuelle, seuls les partis politiques de gauche permettraient une telle évolution: reste à choisir quel parti de gauche, représenté par quelle personne?
Bon, on est pas non plus obligé d’attendre qu’un Saint Sauveur Président décide de faire un truc cool qu’il jugerait bon pour nous: A quand la rébellion?
Notre volonté, et pas seulement la mienne, est notre arme contre un système politique englué dans de la sale richesse.
Pour te donner un avant-goût de ce qui t’attends à la lecture de ce livre (car au nom de ta liberté et de celle de tes congénères, tu vas le lire!), voici quelques citations (tirées des deux parties) qui m’ont particulièrement marquées, issues des témoignages :
« Perdre sa vie à la gagner »
« Les gens prennent le travail comme une fatalité et supportent tous les aléas avec une résignation phénoménale. »
« La démarche que j’avais faite, décider de travailler à mi-temps, quand j’en parle dans mon bureau elles trouvent ça suspect; à la limite, je suis une paresseuse. […] J’ai l’air de dire que vivre pourrait être un plaisir. »
« Le travail, c’est un peu comme un alibi, une fuite: « comme j’étais au travail je n’ai pas pu faire ça », je suis passée à côté de quelque chose mais « je n’étais pas là »; oui, mais peut-être que vivre vraiment c’est justement être là quand il se passe quelque chose. »
« Il faudrait militer pour que pour PROMOTION se traduise par RÉDUCTION D’HORAIRE avec MAINTIEN D’UN SALAIRE ÉGAL, plutôt que : promotion = augmentation de salaire à horaire maintenu égal c’est-à-dire maximum… »
« Dans la plupart des cas les gens sont absolument asservis à leur travail, et une fois qu’ils sont privés de leur travail ils ont l’impression d’être complètement désemparés, ils ne savent plus quoi faire. »
« Je me suis marié avec une femme que j’aime,mais je passe plus de temps avec mes collègues que je n’ai pas choisis. »
« Ce qu’il y a de terrible, c’est que le malheur d’un homme n’est pas fait de ce qu’il lui manque mais de ce qu’il voit que les autres ont, dont il s’est bien passé jusqu’à présent, mais dont il ne peut pas bénéficier. »
« La société vit du mythe du progrès : en donnant à chacun l’espoir qu’il aura plus demain, en réalisant dans les faits cet espoir, la croissance permet de voiler la réalité de l’exploitation et les inégalités qui en résultent. Et ce que le système n’arrive pas à dissimuler complètement, la pauvreté qui reste patente, il s’en sert comme argument pour poursuivre la croissance au nom des besoins qui restent insatisfaits. Or, ces besoins, c’est la société qui, pour une large part, les crée. »
« La quintessence du progrès : supprimer ce qui est gratuit ou qui ne rapporte pas assez et le remplacer par des produits coûteux en faisant croire à l’acheteur qu’il y a gagné : berné mais content… »
« Des recherches faites en France et en Allemagne le confirment : une diminution des horaires n’entraîne pas une diminution proportionnelle de la production, parce que, en même temps, la productivité augmente. Elle s’accroît de plus de 5 % chaque fois que la durée de la journée de travail décroît d’une heure. »
« Les personnes âgées, enfin, passent sans transition d’un emploi qui, peut-être, ne leur procurait pas de plaisir mais leur assurait une certaine prospérité financière et une insertion sociale, à une retraite qui répond à un désir ancien mais qui risque de n’apparaître, une fois la vie usée, que comme une grise étape avant l’hospice ou la mort. »
« Le travail, qu’il soit pénible ou confortable, ennuyeux ou passionnant, exclut la jouissance. Le temps qui passe au travail est perdu pour ce qui me tient au cœur, pour ce qui me fait rêver : la bise acide de l’aventure, l’amour brûlant ou serein, la joie des corps d’où resurgit la nostalgie du paradis perdu. Le temps qui s’écoule et qui fuit, c’est le temps de cette « vraie » vie qui m’échappe. »
« On commence par dire : cela est impossible, pour se dispenser de le tenter, et cela devient impossible, en effet, parce qu’on ne le tente pas. » (Charles Fourier)
Pourquoi ne pas partager cet article, et mieux, pourquoi ne pas lire le livre ?
Et pour découvrir trois sociétés idéales, c’est là.
Bravo mademoiselle, c’est un très bon livre, écrit dans les années 70 mais toujours d’actualité.
En effet, et il mériterait d’être connu de tous!
Partisan du moindre effort depuis toujours ( 6 févier 1954 ), j’ai été culpabilisé durant ma prime jeunesse par la propagande sociale ( la réussite par le travail ) et la morale religieuse ( l’oisiveté mère de tous les vices … ) .
C’est une fois étudiant ( Ah… les années 70 ! ) que j’ai découvert, en lisant Paul Lafargue, que ma » marginalité » pouvait être une qualité … Enfin confirmé dans le bien fondé de mes intuitions, je me suis mis à la recherche de toutes les arguties à opposer à mes détracteurs.
C’est ainsi que j’ai constitué une bibliothèque relative au sujet, dont les deux premiers livres étaient : » l’allergie au travail » et » travailler deux heures par jour « . Ces deux livres ont été à l’origine d’une réflexion qui à guidé le choix et l’organisation de toute ma vie professionnelle
et restent pour moi des ouvrages d’actualité auxquels je me réfère encore.
C’est en voulant consulter mes bibles, au vu des analogies possibles avec la problématique actuelle du télétravail, que j’ai constaté leur absence dans ma bibliothèque. Restées introuvables, j’ai du partir à leur recherche sur internet, et c’est ainsi que je vous ai trouvée, tout étonné de constater que ces utopies restaient d’actualité.
Sincères salutations. SB.
PS : discographie disponible sur les palmés, siestards, paresseux et autres feignasses.